Lorsque j’évoque mon métier qui consiste à aider les personnes souffrant de 'sans-abrisme', cela suscite de nombreuses réactions.
Parmi ces dernières, on me demande souvent « Mais que s’est-il donc passé dans la vie de ces gens pour en arriver là? ». Là ! « Sont-ils drogués ? ». Là ! « N’ont-ils pas de famille ? ». Là, je me rends compte que nous cherchons, tous, quelques justifications personnelles dans le parcours de ces ruinés.
Il est certain que les ruptures familiales, les violences conjugales, les assuétudes, les handicaps physiques et psychiques, sont autant de facteurs favorisant cette odieuse condition. Pourtant, si les bris d’une trajectoire peuvent concourir au sans-abrisme, ils ne le justifient en rien.
Et c’est là que le bât blesse. La cause du sans-abrisme réside d’abord dans cette acceptation toxique.
Celle qui consiste à croire que des imparfaits d’ordre privé puissent légitimer une existence de trottoir. Au-delà de la culpabilisation qu’il engendre, ce discours détient d’autres effets pervers. Il occulte, en effet, les enjeux cruciaux des choix de notre société et de ses dirigeants. La spéculation immobilière, l’insuffisance des aides sociales face au coût exorbitant des loyers, la saturation des hôpitaux psychiatriques, etc., sont davantage impliqués dans la source et le maintien du sans-abrisme.
En d’autres termes, il semblerait plutôt que l’existence des trottoirs soit le fruit d’une priorisation budgétaire et d’une culture du profit. A contre-courant de ce méchant paradigme, « Infirmiers de rue » s’acharne à croire que la fin du sans-abrisme est possible. Nous y contribuons en tentant de faire respecter les droits fondamentaux des exclus et en menant des campagnes à des niveaux de pouvoirs locaux et globaux.
Là ! Il y a, là, quelque part une solution pour endiguer cette perversion sociale.
- Fiona, capteur logement
© P-Y Jortay - Infirmiers de rue 2020