Cette phrase nous est lancée fièrement par un de nos patients alors qu’il fait un détour pour jeter un déchet dans la poubelle la plus proche. Geste banal du quotidien, cela veut pourtant dire beaucoup...

Monsieur G. a connu un parcours de vie difficile. Depuis l'enfance, il fait face à de la violence, de l’instabilité et à des insécurités affectives. Lorsqu'on l’a rencontré pour la première fois, il vivait en rue depuis quelques années déjà.

On a pu observer sa santé mentale fragile, son état physique de plus en plus dégradé et sa relation avec la spirale infernale des addictions. C'est l'une de ces personnes qui ne vivait pas mais qui survivait, dans des conditions tellement difficiles qu’elles semblaient impossibles. On a pu le voir dans tous les états : trop froid, trop chaud, trop faim, trop seul, en décompensation psychique, en manque. Rarement bien.

Le travail avec lui était énorme

Essayer de restaurer son estime de lui-même, lui renvoyer ses forces et son humanité, tout en ayant des gestes qui me paraissaient à l’époque dérisoires tant sa réalité était dure : lui apporter des vêtements, soigner ses plaies, l’emmener prendre un douche ou lui offrir de quoi manger... Pour, petit à petit, l’accompagner vers autre chose. Plus d'une fois, on a craint pour sa vie. Plus d’une fois, on a eu l’impression de tout recommencer à zéro. Mais malgré les propos résignés qu'on pouvait entendre autour de lui, on a jamais cessé d’y croire. Et on a bien fait !

Aujourd’hui, Monsieur G. est à l’abri

Depuis un an et demi, il séjourne au sein d’une structure psychiatrique. Il est en bonne santé, a repris du poids et se découvre de nouvelles ressources. Nous continuons à le voir régulièrement, et à le soutenir dans son rétablissement, tout en sachant qu’il est bien pris en charge. Nous l’accompagnons également dans la reprise de contact avec son fils, pour lequel il aurait voulu être davantage présent. « Vous avez vu? Maintenant je vais à la poubelle et plus dans la poubelle. » Cette phrase, qui m'a d'abord fait sourire, m’est finalement précieuse : elle signifie que Monsieur G. a conscience de ses avancées, qu'il a pris confiance en ses capacités, qu’il a retrouvé un sentiment de dignité et en étant fier de nous partager cela, il donne du sens au lien qu’on a créé.

Doriane, assistante sociale 

Vous faites la différence en nous donnant les moyens d’agir !