Nous avons trouvé un logement pour Monsieur N. il y a de cela quelques mois. Mais alors qu'il avait visité l'appartement, mis un peu de sous de côté pour le premier loyer, reçu les clés... il n’y allait pas.

Il avait beaucoup de mal à s’y projeter. Il a fallu presque un mois avant qu'il s'imagine y vivre et parle de ses envies pour l'agencer.

Mais le temps passait et Monsieur n'intégrait toujours pas le logement. Il trouvait toutes sortes de raisons pour ne pas le faire: « Je dois faire des petits travaux mais j’attends que mes copains soient dispo pour m’aider, il faut au moins être deux », malgré notre proposition de le soutenir. Ou encore: « Pour le moment je dors chez mon cousin et je lui dois encore des sous, je peux pas partir sans l’avoir remboursé. Je veux que le logement soit bien aménagé avant d'y entrer. J'ai besoin de matériel pour m’occuper dans ce logement (tv, livres, …) », etc.

Dans le même temps, il informait fièrement son entourage qu’il avait un logement.

Un jour, nous prenons le temps d’amener tout le kit d’emménagement et d'organiser le lieu avec lui. Il nous dit être très content et ému, parle de sa culpabilité face à tout ce qu'on lui donne, nous affirme qu’il ne le mérite pas à cause de son passé.

Au bout de deux mois, il commence à aller dans son logement, petit à petit, en journée, quelques heures... mais n’y dort pas.

Pendant tout ce temps nous essayons de susciter chez lui l’envie d’intégrer ce logement pour de bon, de questionner ses blocages, ses besoins, ses envies… Nous essayons de lui fixer des rencontres sur place pour essayer de l’amener vers celui-ci. Nous lui laissons cependant le temps qu’il lui faut, sans pression.

Parallèlement, nous notons un fait d'une importance cruciale pour lui, une forme d’engagement, de loyauté quant au fait de payer son loyer. Lui, qui assume ouvertement d’avoir des problèmes pour gérer son argent, et qui a tendance à tout dépenser dès qu’il en reçoit.

logement

Finalement, juste avant les fêtes de fin d'année, Monsieur entre (enfin) dans son logement ! Avec l'envie de se préparer un bon repas spécial fêtes ! Il se projette encore, ce qui nous rassure.

Il perd rapidement ses clés. Nous avons un double à lui fournir pour la porte de la propriété mais pas celle de son logement. Monsieur rentrera donc dans son logement par la fenêtre pendant quelque temps… Le temps de trouver une solution avec la propriétaire, soit quelques semaines. En tout cas, il vient y dormir, semble-t-il, chaque nuit.

Bref, il est officiellement en logement, il ne dort plus en rue, où passe ses journées mais il rentre chez lui le soir. Ça a pris du temps mais on y est, quelle avancée !

Et cette entrée en logement, même longue et éprouvante, a été le début de tout.

Depuis cette proposition concrète de mise en logement, il ne cesse de nous épater ! Il met énormément de choses en place et on essaie de le lui renvoyer le plus souvent possible car il a pourtant l’impression de ne pas avancer.

Il a mis en place, avec notre soutien, une administration de biens pour mieux gérer son budget, il a investi son logement, il envisage de s’éloigner de Liège, de ses anciennes fréquentations qu’il juge mauvaises, il planifie une cure dans laquelle il entrera bientôt, il se visualise autrement qu’un habitant de la rue, il a entamé un suivi psy dans lequel il s’investit, il se voit « citoyen lambda », remis de son passé de conso, sans angoisses, un sommeil apaisé, un lieu où se poser, de chouettes contacts qui le poussent vers le haut, il se voit voyager.

Cette entrée en logement à vraiment permis de lancer le travail de rétablissement selon les principes du Housing First.

Cette situation me confirme que notre philosophie de travail a du sens. Je suis heureuse de voir Monsieur évoluer vers plus de bien-être !

Ce témoignage vous touche ?

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(*) Nous mettons tout en œuvre pour respecter la vie privée de nos patient·es et notre secret professionnel. Nous voulons néanmoins témoigner de la façon dont ils·elles doivent survivre et de la manière dont nous travaillons ensemble à leur réinsertion. Par conséquent, le nom des lieux et des personnes sont volontairement omis ou modifiés et des situations vécues sont placées dans un autre contexte. Il n’y a pas de lien direct entre les photos et les histoires ci-dessus.