En ce mois de février 2022, ma collègue et moi-même retrouvons Madame C. chez elle. Nous avions prévu depuis quelques jours de nous rendre sur la tombe de son mari décédé il y a un an.

Monsieur N., son mari, nous l’avions bien connu. En rue, puis dans son logement dans lequel il s’était maintenu plusieurs années. Monsieur N. était un bon vivant qui savait se faire entendre. On pouvait difficilement le rater lorsqu'il était dans le coin. Il avait beaucoup d'humour et suscitait une forte sympathie chez les gens qui le rencontraient. Ses deux grandes passions étaient Johnny et les chiens. Monsieur N. avait survécu à d'innombrables épreuves. A force, on avait fini par le croire un peu immortel. Mais en hiver 2021, nous avons dû lui dire au revoir.

Madame C. et Monsieur N. étaient très fusionnels, leur relation était « tout feu tout flamme ». 

Le couple s’était marié quelques temps avant le décès de Monsieur et nous avait gentiment invité à être témoin de leur engagement. 

Lors de ses funérailles, ma collègue et moi-même avions été présentes auprès de Madame C. Nous étions prises d’émotions, d’abord face à la tristesse infinie de Madame C. mais également face au souvenir du chemin parcouru auprès de Monsieur N.

Nous voilà donc un an après, direction le cimetière.

Monsieur est enterré comme personne indigente. Il est impossible de trouver où il est parmi ces monticules de terre sans noms ni croix. C’est triste. Le responsable du cimetière nous aide avec beaucoup de bienveillance.

Nous finissons par identifier la passerelle de Monsieur N. Madame est sous le choc, ce lieu où il repose est si impersonnel. Ni une ni deux, nous voilà alors occupées à faire des plans, des photos, une liste de choses à acheter pour décorer ce lieu et honorer la mémoire de Monsieur.

Il drache ce jour-là, il fait froid, l’émotion est palpable.

Et puis, tout change. D’abord, chacune a une pensée pour Monsieur N. Nous évoquons des souvenirs et même, nous rions . Ensuite, nous mettons les musiques tant aimées de Monsieur. C’est alors que, je m’en souviendrai toujours, cette pluie cesse, les nuages s’écartent et le soleil illumine la passerelle du cimetière.

Chacune de nous croira ce qu’elle veut. Mais ce jour-là, Monsieur N. semblait être un peu avec nous.

 

(*) Nous mettons tout en œuvre pour respecter la vie privée de nos patient·es et notre secret professionnel. Nous voulons néanmoins témoigner de la façon dont ils·elles doivent survivre et de la manière dont nous travaillons ensemble à leur réinsertion. Par conséquent, le nom des lieux et des personnes sont volontairement omis ou modifiés et des situations vécues sont placées dans un autre contexte. Il n’y a pas de lien direct entre les photos et les histoires ci-dessus.