Ce jeudi d'octobre, je me suis rendue à l’inhumation d’une personne que nous avons accompagnée, Monsieur B*.

Le souvenir que je garde de lui, c’est la douceur qu’il avait dans sa voix et dans ses yeux lorsque nous lui apportions un en-cas sucré dont il avait envie.

Il était hospitalisé lorsque je l'ai rencontré, et nous savions que ses jours étaient comptés, à cause des complications liées à son état de santé.

Il avait beaucoup de profondeur dans ses réflexions, et il avait l’envie de sensibiliser le public à la réduction des risques en lien avec son propre parcours de consommateur. Il se projetait en aidant d’autres personnes.

Ce jeudi d'octobre, il était enterré au cimetière de Robermont, un très grand cimetière, dans un cadre très verdoyant et paisible.

En me rendant à cette cérémonie, je ne savais pas qui j’allais y trouver. J’y ai rencontré Roxane (nom d'emprunt), qui attendait que le corbillard arrive pour le suivre jusqu’à la parcelle désignée pour les personnes « indigentes ». Sachant que Monsieur B. n’avait plus de liens familiaux ou autres, je me suis interrogée sur la présence de cette personne.

Justement, Roxane a pour but d’être présente, simplement, et dans la plus grande bienveillance. Elle ne connaît pas Monsieur B. Elle est là ce jeudi, comme chaque jeudi où une personne seule est enterrée.

Roxane a été présente ce jour-là pour Monsieur B. et je dois reconnaître qu’elle l’a été aussi pour moi. Elle m’a accompagnée sur la tombe pour y déposer une rose, et elle a écouté mon récit, dans lequel je lui parle de Monsieur, mais aussi de toutes les émotions qui me traversent en tant que travailleuse sociale, en regardant le cercueil descendre sous terre.

Ce n’est pas la première fois que je me retrouve face à la mort d’une personne que j’ai connue dans la souffrance de la rue, et ce ne sera malheureusement pas la dernière. Monsieur B. a vécu ses derniers instants à l’hôpital, dans une chambre aseptisée et sans possibilité de boire une dernière gorgée de café. Seul. Cela me brusque, cela me pèse.

Roxane, j’ai eu envie de vous parler d’elle parce qu’elle a cette distance de ne pas avoir connu les personnes pour qui elle se présente afin de ne pas les laisser partir seules. Elle est simplement là et je trouve ça beau. Cette rencontre m’a fait chaud au cœur et m’a profondément touchée, dans un moment pourtant froid et difficile.

Nous travaillons au quotidien avec l’humain, et chaque jour, nous rencontrons des êtres qui m’impressionnent, qui me bouleversent. Ici, nous devons également dire au revoir. Je laisse mes mots guider une pensée à Monsieur B., décédé en octobre 2024 à l’Hôpital de la Citadelle, après avoir vécu plus de quinze ans dans la rue...
 

Témoignage de Inès, travailleuse sociale à Liège

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(*) Nous mettons tout en œuvre pour respecter la vie privée de nos patient·es et notre secret professionnel. Nous voulons néanmoins témoigner de la façon dont ils doivent survivre et de la manière dont nous travaillons ensemble à leur réinsertion. Par conséquent, le nom des lieux et des personnes sont volontairement omis ou modifiés et des situations vécues sont placées dans un autre contexte. Il n’y a pas de lien direct entre les photos et les histoires ci-dessus.