Nous connaissons Monsieur O. depuis de nombreuses années. Il nous a été signalé en juin 2017, et nous le suivons activement depuis janvier 2019.

Actuellement, nous ne voyons plus vers où l'on va. Les patient·es que nous suivons rentrent rarement dans les bonnes cases pour arriver à se réintégrer et à retrouver une vie relativement digne.

Et pour Monsieur O., c'est encore plus difficile. Il cumule les problèmes : il n'a pas de papiers en Belgique, il a une longue histoire difficile, il a une addiction à plusieurs produits et il se déplace en chaise roulante.

Mais il n'est pas assez malade pour pouvoir bénéficier d'une demande de régularisation pour raisons médicales. Il consomme trop pour pouvoir accéder à certains centres pour personnes sans-papiers. Il est en chaise roulante et la majorité des maisons d'accueil à Bruxelles n'ont pas d'accès pour les personnes à mobilité réduite.

Infirmiers de rue est une association porteuse d'espoir et des miracles arrivent parfois, grâce au réseau, à l'ouverture des intervenant·es, à la créativité. Mais dans ce cas-ci, nous ne trouvons plus de solutions.

Pourtant, pendant plusieurs mois, Monsieur s'est stabilisé. Il a fait une cure, et a ensuite été en revalidation pour apprendre à marcher avec une prothèse. C'était vraiment incroyable.

Mais à un moment donné, il ne pouvait plus rester à l'hôpital, n'avait pas de revenus en Belgique, et donc pas d'endroit où se mettre à l'abri.

Monsieur est donc retourné en rue.

Il est encore possible de réaliser ce parcours, mais sans solution à moyen/long terme, c'est très décourageant.

Monsieur est jeune, avec des projets plein la tête, mais son contexte de vie ne lui permet pas de sortir la tête de l'eau, et nous ne savons plus quoi lui proposer pour se mettre à l'abri et prendre soin de lui.

Travailler chez Infirmiers de rue, c'est magnifique, mais c'est aussi parfois se confronter à un système compliqué, ou nous ne trouvons pas de solutions. Nous continuons à y croire, et nous y arriverons, mais cela sera sans doute long.

  • M., assistante sociale du pôle rue

--

(*) Nous mettons tout en œuvre pour respecter la vie privée de nos patient·es et notre secret professionnel. Nous voulons néanmoins témoigner de la façon dont ils·elles doivent survivre et de la manière dont nous travaillons ensemble à leur réinsertion. Par conséquent, le nom des lieux et des personnes sont volontairement omis ou modifiés et des situations vécues sont placées dans un autre contexte. Il n’y a pas de lien direct entre les photos et les histoires ci-dessus.