J'ai entamé un stage chez Infirmiers de rue fin septembre 2023. Je pensais avoir une idée assez précise du public ciblé par l’ASBL, des difficultés qui y étaient liées ainsi que du travail à accomplir sur place. TOUT était minimisé.
Je me suis rendu compte de la détresse des personnes sans-abri, des problèmes liés au manque de moyens pour les aider à sortir de la rue mais aussi au nombre de mesures « anti-SDF » mises en place (fermeture de parkings, bancs sur lesquels il est impossible de se coucher, réveils parfois brutaux par la police ou les commerçant·es, …). Des fois, je me dis que si l’argent investi pour embellir la ville, la rendre plus « propre », était utilisé dans des logements pour personnes sans-abri, des tiny houses, ou d’autres solutions possibles, Liège serait une plus belle ville, une ville plus humaine.
Sur le terrain, j’ai été touché par cette femme qui a perdu la garde de ses enfants, qui vit dans la rue avec l’espoir de pouvoir un jour retrouver un logement pour les accueillir. Ou encore par un homme remis en logement par l’ASBL, qui pense qu’aucune femme ne voudrait de lui car il a été marqué physiquement par des années de rue, alors qu’il est plein d’humour et de qualités humaines. Je suis choqué de lire dans un rapport qu’un homme a été réveillé avec un seau d’eau sur la tête car il dormait dans un lavoir.
Il y a ce garçon que j’ai connu étant enfant et que je retrouve dans mon stage, l’ASBL est sur le point de le faire entrer en logement et il parle du fait (qui est banal et coule de source pour la majorité d’entre nous) d’avoir un toit au-dessus de sa tête avec des étoiles plein les yeux. Là où nous rêvons de vacances à l’étranger, il est content d’avoir un four pour pouvoir cuisiner, de juste ne plus avoir froid la nuit.
Ça remet en perspective toutes les facilités dont je bénéficie dans ma vie et qui me semblent acquises et normales.
J’ai été heurté de constater que la majorité des personnes sans-abri suivies par infirmiers de rue ont un parcours hors norme dès l’enfance. Victimes d’abus, de violence, d’abandon, de négligences, placées en foyer, en famille d’accueil…
Je me suis posé ces questions : « Comment revenir en logement et intégrer une société qui n’a jamais accepté ces personnes ? Comment, après tant d’années passées à être en quelque sorte victime du système, on peut s’intégrer et se "fondre dans la masse" ? » Je me suis demandé s’il n’y avait pas quelque chose à faire dès l’enfance pour épargner ce genre de situations à de futurs adultes, sans vraiment savoir quoi faire à titre personnel.
C’est un stage qui m’a énormément touché et qui a remis en question plusieurs de mes certitudes.
Je ne me rendais pas compte de la souffrance physique et psychologique presque constante dans laquelle vivent les personnes à la rue. Du moins j’en avais une idée qui était vraiment loin de la réalité.
J’ai rencontré des personnes vraiment investies et avec de grandes valeurs humaines.
Cette expérience restera gravée dans ma mémoire et changera ma façon d’être un infirmier une fois mon diplôme obtenu.
Raphaël, infirmier stagiaire à Liège
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(*) Nous mettons tout en œuvre pour respecter la vie privée de nos patients et notre secret professionnel. Nous voulons néanmoins témoigner de la façon dont ils doivent survivre et de la manière dont nous travaillons ensemble à leur réinsertion. Par conséquent, le nom des lieux et des personnes sont volontairement omis ou modifiés et des situations vécues sont placées dans un autre contexte. Il n’y a pas de lien direct entre les photos et les histoires ci-dessus.