Il y a quelques mois, j’avais demandé d’être confronté à la réalité du terrain des Infirmiers de Rue. Mon travail de bénévole me la montre indirectement, notamment à travers les  « tranches de vie ». Impressionnante, voire émouvante, certes. Mais je me rendais compte que l’expérience du terrain pourrait être bien plus poignante. 

Pour assurer une « entrée douce dans la matière », l’équipe logement m’avait amené en visite chez monsieur M., logé dans une maison de repos. Nous y avons rencontré un homme détendu qui ne semblait plus avoir besoin, outre l’accompagnement sur le plan administratif, qu’on lui remonte le moral. Au contraire, c’est lui qui ne cessait de nous raconter des histoires, en soulignant : « c’est pour vous faire rire ». 

Travailleuse parle à un patient

Rien de décontractant lors d’une deuxième visite en maison de repos, cette fois-ci chez Mme X. Handicapée, fragile, triste, elle répond, à peine audible, aux questions de l’équipe. Santé, rencontres, contacts avec les responsables de la maison de repos : rien ne va plus. Au point qu’elle risque de se retrouver bientôt en rue. Même la perspective de pouvoir entrer en logement ne semble plus l’enchanter. L’équipe y travaille sans relâche, mais cela prend du temps – on nage contre les courants administratifs, les procédures, la disponibilité limitée des logements.

La plupart du temps, Mme X. se retire derrière un mur de silence, se cache même sous sa couverture. Je ne sais pas ce que j’aurais fait, mais l’équipe ne se décourage pas. Doucement, gentiment, elle relance la conversation, ouvre patiemment des petites brèches dans le mur. Et, lentement, Mme X s’ouvre, elle aussi. Sur sa réalité quotidienne - que l’équipe s’efforce à chaque pas de transformer dans une perspective positive, constructive. Pour la faire sortir ensuite de sa chambre pour une petite promenade, prendre un café, un coca, sur une terrasse dans le quartier. Bouger, l’air frais, le soleil - ça doit faire du bien. Le travail patient continue pour faire évaporer les nuages sombres, pour arrêter les larmes, pour redonner courage. Tout le temps qu’il fallait, deux bonnes heures, pour que son regard s’illumine, pour qu’elle nous sourie.

« L’accompagnement », c’est bien plus qu’un mot. Compétence et patience professionnelles ? Sympathie, empathie humaine profonde ? Amour ? C’est tout cela. Je supprime tous les points d’interrogation. J’ai vu l’amour en action.

- Klaus, bénévole, fort impressionné par le travail d’Amel et de Yasmina

 

(*) Nous mettons tout en œuvre pour respecter la vie privée de nos patient·es et notre secret professionnel. Nous voulons néanmoins témoigner de la façon dont ils·elles doivent survivre et de la manière dont nous travaillons ensemble à leur réinsertion. Par conséquent, le nom des lieux et des personnes sont volontairement omis ou modifiés et des situations vécues sont placées dans un autre contexte. Il n’y a pas de lien direct entre les photos et les histoires ci-dessus.