Monsieur Z.,

Voici quelques semaines, nous avons appris votre décès.

Nous vous rendions visite chaque semaine depuis janvier 2018. Et que d'aventures ! 

Je me souviens de plusieurs rendez-vous auxquels j'étais quelques minutes en retard, et cela me stressait car je savais que vous étiez toujours à l'heure, ou même en avance, et que vous n'aimiez pas du tout que l'on vous fasse attendre (et je vous comprends, je n'aime pas ça non plus).

Si vous n'étiez pas au rendez-vous, c'est qu'il y avait un pépin !

Je ne verrai plus jamais la statue du Zèbre de la Gare du midi de la même manière... Notre point de ralliement ! Et on vous y retrouvait, à nous attendre, avec votre petit caddie et votre farde de documents administratifs toujours très bien rangée. 

« Allons prendre un café ! »  Vous aimiez le bon plan du petit troquet de la gare, avec la promo café-croissant! Pas question d'aller ailleurs ;-) 

Vous acceptiez toujours quand nous venions à l'improviste avec un journaliste ou des collègues du réseau. Vous aimiez bavarder et raconter votre histoire. 

Vous étiez révolté aussi, révolté du système de régularisation de notre petit pays.

Comment est-il possible de laisser une personne dans la rue aussi longtemps ?

Vous aviez introduit un tel nombre de demandes de régularisation, depuis tant d'années... 

Nous vous avons soutenu dans de nouvelles démarches récemment. Mais vous ne rentriez dans aucune case : pas assez malade, trop âgé pour retravailler, en capacité de voyager pour rentrer dans votre pays d'origine mais où vous n'aviez plus d'attaches.

En effet, c'était ici chez vous, depuis que vous aviez 14 ans, et aujourd'hui, vous en aviez 72... !

Depuis tant d'années...

Vous parliez très bien Français, vous aimiez ce pays, sa culture, vous avez grandi ici. Votre pays de naissance était presque devenu étranger pour vous. 

Ce n'est pas juste.

Vous allez nous manquer Monsieur Z. ! 

 

(*) Nous mettons tout en œuvre pour respecter la vie privée de nos patient·es et notre secret professionnel. Nous voulons néanmoins témoigner de la façon dont ils·elles doivent survivre et de la manière dont nous travaillons ensemble à leur réinsertion. Par conséquent, le nom des lieux et des personnes sont volontairement omis ou modifiés et des situations vécues sont placées dans un autre contexte. Il n’y a pas de lien direct entre les photos et les histoires ci-dessus.