Il y a quelques mois, nous avons perdu Pierre Ryckmans, notre médecin coordinateur. Depuis son décès, les souvenirs affluent, et certains moments ont marqué plus que d'autres.
J’aimerais partager une histoire qui illustre parfaitement l’homme qu’il était :
Ce jour-là, nous étions partis ensemble en maraude à la gare du Midi pour retrouver Madame V.*, une patiente dont l’état s'était fortement dégradé. La situation était tendue, complexe. Pendant des heures, nous avons négocié, cherché des solutions, tenté de décrocher un rendez-vous en psychiatrie. J’étais épuisée, frustrée, au bord de la rupture. Rien n’avançait, et je sentais la lassitude me gagner.
Alors, à bout de nerfs, je me suis tournée vers Pierre, espérant trouver un écho à ma colère. Mais lui, calmement, a posé les yeux sur moi avec ce regard doux et bienveillant qui le caractérisait, et m'a simplement dit :
« Je suis très impressionné par le lien privilégié et important que vous avez réussi à créer avec Madame. »
Cette phrase m’a coupé le souffle. Là où je ne voyais que difficulté et impasse, lui voyait la richesse du lien, la force du travail humain.
C’était ça, Pierre. Toujours tourné vers l’essentiel. Toujours à rappeler que, malgré la complexité du soin, ce sont les relations, la confiance et la dignité de chacun·e qui priment.
Aujourd’hui encore je me souviens de cette matinée.
Cela me rappelle pourquoi je fais ce métier, et combien Pierre, par sa présence, a marqué nos parcours et nos patient·es.
Témoignage de Cloé, infirmière en rue