Infirmiers de rue considère le logement comme une étape fondamentale pour aider les personnes sans-abri à retrouver une place dans la société. Alors que le simple accès à un logement digne est un réel combat pour une partie croissante de la population, les personnes sans-abri et relogées cumulent les obstacles.

Hélène, responsable logements dans l’équipe liégeoise d’Infirmiers de rue, expose les difficultés rencontrées par nos patient·es sans-abri.

Illustration © Pierre Lecrenier

Sortir de la rue prend du temps

Au moins deux années passées en rue, problèmes de santé physique et/ou mentale, addictions, isolement social, discriminations, … Tous ces problèmes impactent l’espérance de vie et se renforcent l’un l’autre, rendant toujours plus difficile un retour à une vie « normale ».

Il faut respecter la temporalité de la personne afin d’établir un contact et une relation de confiance, se comprendre, rétablir ses droits au niveau administratif et de la perception de ses revenus, … Reloger les personnes sans-abri demande du temps, mais c’est possible.

Une fois la personne relogée, les risques au niveau de la détérioration du logement sont potentiellement plus élevés, car pour certain·es, c’est tout un apprentissage que de se remettre à vivre entre quatre murs.

La situation de sans-abrisme ne rassure pas les propriétaires

La première chose qu’une agence immobilière ou qu’un·e propriétaire demande est la preuve de revenus mensuels pour les 3 derniers mois. Pour y répondre (et rapidement), il faut déjà que la personne perçoive des revenus.

Le revenu d’intégration sociale (RIS) du CPAS ou les allocations de handicap pour les personnes atteintes de problèmes de santé chroniques sont les deux sources de revenus les plus fréquentes. Or, ces types de revenus sont entourés de stéréotypes et ne rassurent pas les propriétaires. Et c’est souvent de nature à empêcher de passer à l’étape suivante.

La deuxième preuve de solvabilité généralement réclamée est la preuve de paiement des 3 derniers mois de loyer. Pour quelqu’un qui est actuellement à la rue, c’est compliqué... Et on passe notre tour.

Les personnes sans-abri discriminées sur leur apparence

L’apparence des patient·es, souvent marqué·es physiquement par la vie en rue, peut avoir un effet rédhibitoire auprès des organismes bailleurs de fonds ou immobiliers. De plus, ces personnes sans-abri n’ont pas toujours forcément les « codes » pour bien présenter devant un·e propriétaire. Cela engendre du stress, parfois accompagné de difficultés à s’exprimer.

Pour éviter cela, mais aussi les espoirs déçus pour les patient·es, les premiers contacts et visites se font généralement sans eux. Si l’on parvient à sauter tous ces obstacles, alors une rencontre peut s’organiser entre les parties.

Les logements sont moins accessibles aux personnes sans-abri

Pour ces raisons, les personnes sont rarement sur le haut de la pile des dossiers… Quand on sait que les délais d’attente sont de sept à huit ans pour un studio dans un logement social (et double pour un logement à trois ou quatre chambres), il y a de quoi perdre espoir.

Vous pourriez me dire : « Oui, mais il y a des agences immobilières sociales (AIS) qui prennent les personnes pauvres en charge. » Et vous auriez raison. Mais à Liège, comme ailleurs sans doute, les AIS sont débordées et les assistant·es sociaux·ales ont jusqu’à 1700, voire 2000 ménages à suivre !

Illustration Pierre Lecrenier

Devenir propriétaire solidaire à Liège

Heureusement, il existe d’autres pistes que le marché immobilier privé, où la lutte pour obtenir des places est féroce.

Il existe le projet partenarial Devenir propriétaire solidaire, à l’initiative du Plan de cohésion sociale de la Ville de Liège, qui réunit une dizaine de partenaires luttant contre le mal-logement. Son objectif est de sensibiliser les propriétaires à l’accès au logement pour les plus précaires, tout en leur donnant des garanties sur le soin accordé à leur bien, la perception des loyers, etc.

Vers des logements modulaires liégeois ?

Une autre piste encourageante est le projet d’installer des logements modulaires sur un terrain à Liège ou environs, comme Infirmiers de rue l’a fait à Bruxelles. Des prémices de discussion sont entamées avec d’autres partenaires ainsi que des services de la Ville afin de faire germer l’idée et, on l’espère, d’innover dans la façon d’habiter et de lutter contre le sans-abrisme.

Rejoignez-nous pour le Housing Action Day

La stabilisation des personnes ayant passé des années en rue, grâce à un retour à la sécurité et aux relations de confiance tissées à travers le logement, ça donne l’énergie pour continuer !

Et ce qui motive également, ce sont les dynamiques collectives et revendicatives issues du réseau de lutte contre le mal-logement et la grande précarité.

Cette année encore, le Housing Action Day s’organise dans plusieurs villes de Belgique, notamment à Liège et Bruxelles. Le dimanche 26 mars 2023 sera l’occasion de se mobiliser pour le droit à un logement décent, et faire entendre des revendications politiques ! Infirmiers de rue y sera. Et vous ?

Mobilisez-vous, avec nous, pour exiger des logements accessibles !