La santé en rue et la prise en charge

Comment guérir d’un long parcours en rue, tellement néfaste pour la santé d’une personne ? Pour Infirmiers de rue (IDR), la réponse est simple : être relogé est un élément essentiel à la survie et, à terme, pour la santé de la personne. Car le sans-abrisme est bien plus un problème de santé publique et non pas uniquement un problème social.

En 2021, 76 personnes sont décédées en rue ou suite à un long parcours en rue. L’âge moyen des personnes sans-abri est de 50 ans, là où l’âge moyen des Belges est en général autour des 80 ans. Mais qu’est-ce qui fait que les gens meurent si tôt en rue ?

clé en main

Jeter un coup d’œil aux statistiques d’IDR nous donne déjà une bonne piste d’explication à cette question : sur les 61 personnes dans notre suivi intensif à Bruxelles fin 2021 (rue et logement), 46 souffraient de problèmes de santé physique chroniques, 47 de problèmes de santé mentale, 48 avaient une assuétude déclarée et 80% d’entre elles (soit près de 50 personnes) cumulaient 2 de ces 3 problèmes au minimum. Ensemble, elles cumulaient 114 pathologies, dont 15% de maladies de l’appareil digestif, 13% de maladies de l’appareil respiratoire, et encore 13% de l’appareil circulatoire.

 

Les autopsies sont rares

D’autre part, si nous regardons les causes principales des décès – pour autant qu’ils soient confirmés par des diagnostics ou des autopsies, ce qui est plutôt rare en Belgique, nous constatons beaucoup de décès suite à des agressions et des suicides, des overdoses ou des séquelles d’abus d’alcool chronique. Ensuite, il y a des décès suite aux conditions climatiques : l’hypothermie et la déshydratation suite aux canicules. Il n’y a d’ailleurs pas davantage de morts en hiver qu’en été grâce au « ¨Plan Hiver ».

Quoi qu’il en soit, pour Pierre Ryckmans, notre coordinateur médical chez IDR, le remède est simple : "Le logement fait partie du traitement, et c’est un élément majeur pour la survie et à terme pour la santé. Parce que justement on y trouve : de l’intimité pour se soigner ; la sécurité ; l’abri pour les conditions climatiques ; une meilleure qualité du sommeil et de l'alimentation ; l’hygiène est facilitée ; le suivi médical également ; une augmentation de l’estime de soi,  ; à terme, la diminution des addictions ; etc. Les avantages pour la santé de la personne sont clairs et nets. »

Travailleurs se rendent chez un patient

Logement = diminution des risques

Il poursuit : « On sait que remettre les gens en logement, ça les soustrait déjà à un nombre de risques important et au fur et à mesure qu’ils restent en logement, ces risques diminuent encore. Notamment les risques liés à la consommation d’alcool et de drogue, ainsi que ceux liés à la santé mentale. Il y a des risques qui diminuent très vite : les risques d’agressions, d’accidents, les risques climatiques - le froid ou le chaud. En extrapolant, on pourrait dire que le travail ne commence qu’une fois que les gens sont en logement, même si en rue un travail est déjà fait. »

En même temps, nous constatons chez IDR que lors des premiers mois en logement, les risques de santé sont un peu plus élevés, notamment parce que les personnes relogées changent tout à fait leurs habitudes et que ceci peut entraîner temporairement un risque de santé accru.

« Sur le long terme, il y a tout un travail à faire. Il arrive parfois qu’un cancer soit découvert. Pas parce qu’il se déclare une fois que la personne est relogée, mais bien parce qu’avant, la personne n’était pas attentive aux symptômes. Elle avait en effet tellement d’autres choses à penser pour survivre. Mais une fois en logement, la survie s’estompe, pour laisser place à d’autres problèmes, jusque-là non détectés.

Heureusement, il arrive de découvrir que la santé de la personne n’est finalement pas si mauvaise que ça et tant mieux. Ce sont plutôt de bonnes nouvelles. » ajoute Pierre Ryckmans.

Malgré tous ces constats, personne n’a une réelle vue sur les causes de décès, à Bruxelles, que ce soit en rue ou en maison d’accueil. C’est pourquoi nous proposons de faire des enquêtes plus systématiques sur les causes de décès (prématurés). Si nous ne connaissons pas ce que nous combattons, nous ne pourrons pas avancer.

 

Accès aux soins de santé

Avec Infirmiers de rue à Bruxelles, en 2021, nous avons administrés 1047 soins, conseils et transferts : tous les trois sont dispensés lors d’une rencontre.

  • Soins : pansements réalisés, utilisation de lingettes, application de pommade, massages, douches, pédicures, etc.
  • Conseils : sur l’alimentation, l’hygiène, les questions sociales, etc.
  • Transferts : proposer à la personne qu’elle se rende vers une structure médicale.

Pour 12 patients, nous avons dû faire des démarches pour les reconnecter avec un médecin traitant. Pour 10 patients, nous avons dû faire ces mêmes démarches, mais pour les mettre en connexion avec un psychiatre. Et finalement, pour 8 patients, nous avons obtenu une carte santé.

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