Nous avons rencontré Madame B. en 2019 alors qu'elle vivait dans la rue depuis plusieurs années déjà. Elle avait ses petites habitudes dans le quartier et se rendait souvent au supermarché du coin pour utiliser les toilettes et se débarbouiller.

Puis elle a disparu un certain temps, avant de réapparaître, en 2020, dans la station de métro d'un autre quartier. Nous l’y avons rencontrée à plusieurs reprises avant de pouvoir, enfin, la suivre de manière intensive en 2021.

Patiente qui tient des papiers administratifs

Madame était « bien installée » dans la station de métro : matelas, couvertures, énormément de valises et d’affaires, et elle faisait partie des meubles...

Elle connaissait tout le monde : les commerçant·es de la station, les navetteurs·euses, les employé·es de la STIB, etc. Et comme dans son ancien quartier, elle y avait ses petites habitudes. 

Le parcours de Madame est assez chaotique et difficile à retracer. Elle serait en rue depuis 18 ans... Nous ne savons rien sur sa famille, elle reste très évasive.

Les rencontres avec elle sont parfois compliquées car elle peut se montrer renfermée, peu loquace, sans doute fatiguée de répéter les mêmes choses aux multiples travailleurs·euses qui viennent la voir.

Nous parvenons tout de même à créer un lien et à passer de bons moments. Madame aime utiliser les lingettes que nous lui donnons. Cela lui permet de se rafraîchir.

Elle aime aussi le maquillage que nous lui apportons et les vêtements neufs : son apparence lui importe beaucoup. On profite de cet aspect pour travailler son hygiène et son estime de soi.

Elle apprécie aussi les bandes dessinées, même si ses problèmes de vue l'empêchent de lire, pour le moment, celles que nous lui offrons. Elle a des goûts culinaires très prononcés.

C'est certain, Madame a beaucoup de ressources ! Et nous ne manquons pas de le lui rappeler régulièrement.

Malgré tout, les dernières semaines, le lien que nous avions construit avec patience et persévérance s'est détérioré. Ses problèmes de santé mentale ont repris le dessus et elle est devenue méfiante. Les rencontres sont devenues de plus en plus brèves et nous ne parvenions plus à avancer ensemble. Nous avons alors convenu de lancer une procédure de mise en observation, car l'état de Madame inquiétait tout le monde.

Mais avant même d'avoir mis cette solution en place, une citoyenne nous a appelé pour nous prévenir que l'état de Madame se dégradait à vue d'œil. Il aura fallu compter sur le passage d'une deuxième ambulance pour que Madame accepte finalement de se faire soigner à l'hôpital. Nous avons profité de ce séjour à l'hôpital pour mettre en place tout ce qu'il fallait pour éviter un retour en rue.

Une maison de repos pouvait l'accueillir à sa sortie ! Vite, une visite a été programmée. Grâce à la collaboration avec le réseau, tout s'est enchaîné rapidement. Madame s'est rendue sur place, l'endroit lui a plu et correspondait à ses besoins. Un gros travail administratif devait être fait mais cela valait le coup ! Finalement, elle y emménage assez rapidement.

Aujourd'hui, elle est installée, trouve ses marques, à son rythme, et prend le temps de se reposer pour récupérer.

Nous la visitons régulièrement pour nous assurer que tout va bien, et le réseau, que  Madame s'était créé en rue, est toujours présent : des citoyens et des commerçants viennent lui rendre visite, c'est génial!. Elle participe aussi aux ateliers cuisine, qu'elle aime beaucoup

Ce fut une sacrée aventure !

Notre travail vous touche ?

(*) Nous mettons tout en œuvre pour respecter la vie privée de nos patients et notre secret professionnel. Nous voulons néanmoins témoigner de la façon dont ils doivent survivre et de la manière dont nous travaillons ensemble à leur réinsertion. Par conséquent, le nom des lieux et des personnes sont volontairement omis ou modifiés et des situations vécues sont placées dans un autre contexte. Il n’y a pas de lien direct entre les photos et les histoires ci-dessus.